" Quand j'étais petit et que j'avais du chagrin parce que je devais quitter maman ou partir en voyage, j'étais plus triste qu'aujourd'hui, d'abord parce que, comme toi, je n'étais pas libre, comme je le suis maintenant, d'écarter le chagrin de mon esprit et parce que j'étais enfermé avec lui, mais aussi parce que j'étais attaché dans ma tête, que je n'avais pas d'idée, pas de souvenir de lecture, pas de projet oł me réfugier, et tu es ainsi, Zadig, tu n'as pas fait lecture et n'as pas d'idée, et tu dois être très malheureux quand tu es triste.""Cette intelligence nous permet de remplacer ces sentiments qui te font aimer et souffrir par des fac simile amoindris qui nous desespèrent moins et nous apportent moins d'affection.""Dans les rares moments où je ressens toute ma tendresse, toute ma souffrance, c'est parce que je n'ai pas ressenti d'après ces fausses idées, mais d'après quelque chose que nous avons en commun, mon cher Zadig. Et cela me semble tellement prépondérant sur n'importe quoi d'autre, que c'est seulement lorsque je redeviens un pauvre Zadig comme toi que je me mets à écrire, et les livres qui ont été écrits dans cet esprit sont les seuls que j'apprécie." |