Que serais-je sans la tranquillité qui descendit alors en moi, sans cette expérience où réalité et merveille s'étaient confondues; sans ces semaines où pour la première fois, je m'abandonnais sans me perdre; sans ces humbles offices qui éveillaient en moi une disponibilité ignorée; sans ces veilles nocturnes : quand la nuit, la nuit d'hiver, se posait, froide, sur mes yeux que je fermais, attirant ainsi en moi une lointaine étoile, à travers les vrilles de la vigne; quand il n'y avait plus que le silence, silence de ce plus grand silence que je ne connaissais pas encore, tandis que sur ce fond les moindres bruits nouveaux, mystérieux, se détachaient avec netteté.


Rilke à sa femme Clara, le 19 décembre 1906



                    


J’ai, il me semble, au tréfond de moi-même, rattrapé mes pires retards intérieurs dont ma conscience était comme défigurée: je suis de nouveau contemporain de moi-même.


A Jean Strohl, le 15 Février 1922





S'il n'est pas de communion entre les hommes et vous, essayez d'être près des choses: elles ne vous abandonneront pas. Il y a encore des nuits, il y a encore des vents qui agitent les arbres et courent sur les pays.


Lettres à un jeune Poête

 

Rainer Maria Rilke